Création en cours
Note d’intention
Créer de la magie. Retrouver l’instant de jouissance dans le processus et non dans le résultat qui relève de la volonté.
Le thème « Rêver l’obscur » est une référence à l’œuvre de l’écrivaine éco-féministe Starhawk1.
Elle nous inspire car elle aborde la question de la puissance par des pratiques très concrètes, collectives et qui mobilisent l’imaginaire, le corps, le cercle, la danse et le rituel. Ce thème nous intéresse aussi particulièrement au moment où les pratiques associées au « bien être » et au « prendre soin » sont reprises par le libéralisme et transformées en injonctions à aller bien, notamment à être « lumineuse ».
« Rêver l’obscur » c’est tenter de sortir des dichotomies morales du bien et du mal, c’est chercher à en finir avec la pensée qui sépare.
Pour créer de la magie aussi. Retrouver l’instant de jouissance dans le processus et non dans le résultat qui relève de la volonté. Se laisser porter par la magie du moment en retrouvant l’énergie de l’enfance. En même temps reconnaitre l’histoire humaine et les rapports de force sociaux et politiques qui la régisse et nous anime.
Nous nous inscrivons dans une démarche éco-somatique2 qui fait le lien entre l’intime de la sensation infiniment petite et la dimension relationnelle (éco) avec le public, une communauté, la société, notre environnement, le vivant.
« Rêver l’obscur ». C’est créer nous même nos propres décors, jouer avec les matériaux, en ne cherchant pas tant à fabriquer mais en se mouvant avec le processus même avant même qu’il se crée : c’est être dans la relation avec la matière par des flux sensoriels.
Le corps est ainsi projeté dans des extensions de lui-même et devient l’objet qu’il manipule par un travail de conscience. Nous allons nous intéresser autant au décors qu’au costumes afin de laisser le temps et l’espace écrire le spectacle sans le faire, dans l’énergie et non dans l’idée, sans story board, sans projection. Un voyage dans les sens et les émotions, des communications “invisibles” avec les objets pour réaliser l’acte de peindre, de construire des installations et de faire de la musique, de danser.
L’enjeu de la résidence est de retrouver du pouvoir par la jouissance et par la magie, l’intention donnée aux “objets” (tant les idées politiques que le bout de bois pour une installation) de notre projet. Se mettre dans le processus, être par son corps et son mouvement l’extension de l’objet en train d’être créé (par exemple le bout de bois).
1 Starhawk, Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique, Editions Cambourakis, 2015.
2 Marie Bardet, Carla Bottiglieri, Joanne Clavel, Isabelle Ginot, Violeta Salvatierra.. ”Somatiques, esthétiques, politiques”. Isabelle GInot. Penser les somatiques avec Feldenkrais, L’Entretemps, 2014.
Danse et libération
Notre danse est inspirée par le courant de la Danse Libre de Duncan et Malkovsky et par leurs recherches sur les principes fondamentaux du mouvement : d’où part le geste, quelles en sont les intentions, quelle force y réside, quel est le lien entre la danse et l’expression des émotions.
Ces deux artistes ont été dans une démarche d’émancipation à la fois sociale et politique.
Le terme « libre » a tout d’abord été l’équivalent de moderne (afin de se libérer des codes et contraintes de la société de la fin du XIXème siècle et de la danse classique) puis a pris une définition en terme de « libération énergétique », pour se libérer des tensions du corps.
Notre approche contemporaine est matérialiste féministe et elle comprend les tensions vécues dans les corps des individus comme des effets de mécanismes d’oppression et de domination sociale, et non seulement comme résultante d’une responsabilisation individuelle.
Cette double compréhension des tensions à la fois corporelles et politiques nous permet de faire se rejoindre (en tout cas on l’espère) la définition énergétique et celle en terme d’émancipation sociale.
Un travail sur les appuis, les élans, le rythme et le poids pour une recherche à la fois d’amplitude et d’«économie d’effort », l’expérience de moments d’extase, de « non-faire ».
C’est un art très précis.
Une expérience de « lâcher prise » et de conscience.
La conscience sociale des rapports de pouvoir qui traversent et construisent nos corps et nos vies, la conscience somatique d’être en vie et en mouvement, la conscience d’un espace, la conscience plus large d’appartenance au monde.